• October 2016
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Dans la plupart des entreprises, la communication interne a de plus en plus de mal à trouver sa place.

Elle est concurrencée, si ce n’est dépassée, par les acteurs du changement : les RRH, les CCO (Chief Change Officers), voire les CDO (Chief Digital Officers), qui ont fréquemment la chance d’être membre des Comex, qui ont fait de la transformation « digitale » ou « culturelle » de leur entreprise une priorité. Des leaders qui s’approprient la communication d’engagement et qui relèguent les communicants à la fourniture de commodités.

Note écrites sur une tableau

Les budgets s’en ressentent, parfois de 1 à 100, pour finalement la même chose : engager les collaborateurs dans l’exploration et la construction de leur futur et de celui de leur entreprise.

Cette situation vient sans doute d’un gap assez profond entre les approches : la communication interne reste enclavée dans le couple information-contrôle et ses dérivés – alignement, démultiplication, éléments de langage.

Elle reste aussi contrainte par les silos verticaux… et surtout, on n’en parle jamais, les silos horizontaux : executives, managers, tous les salariés… alors que toutes les lignes doivent bouger.

Pas un plan de communication interne récent qu’il m’ait été donné de lire qui ne segmente la population de l’entreprise à cette aune. En d’autres termes, on pense à partir de l’organisation générique d’une organisation : les métiers, la géographie, les opérations, les fonctions et parfois la démographie (l’angoisse de la génération Y…). Et cela fait vingt ans que cela dure.

Cette approche est trois fois problématique.

D’abord, parce que l’unité supposée de l’entreprise ne correspond à aucune réalité. Il en existe des tribales, des mécanistes, des transactionnelles et des holistiques… et dans chacune de ces catégories, les attentes des collaborateurs et les leviers pour les « faire bouger » sont spécifiques. (Voir pour plus de détails l’excellent livre : Le mix organisation, Jacques Jochem )

Ensuite, parce que, pour la plupart des dirigeants, on doit passer du paradigme de l’information à celui de l’engagement. Des 5 W (What ? Who ? Where ? When ? Why ?) aux 6 W, qui ajoutent le plus fondamental d’entre eux : What now ?

Et, enfin, parce que la segmentation basée sur l’organisation (et ses silos) ou la détermination (jeunes, femmes…) ne permet pas d’appréhender la réalité de l’organisation, en tout cas sa dynamique.

Les segments qui comptent, qui aident vraiment l’organisation à évoluer, sont en effet déterminés par le rapport des salariés à la transformation.
En simplifiant à l’extrême, on peut distinguer quatre groupes, variables en fonction des sujets mais qui souvent se recouvrent1 :

  • ceux qui sont contre, les opposants : ils croient dire tout haut ce que les gens pensent tout bas et se mettent souvent hors jeu en raison de leurs excès ;
  • ceux qui sont pour par devoir ou par conviction, les alignés : ils sont gratifiants pour le chef mais leur dévouement et leur aveuglement les rendent rarement inspirants ;
  • ceux qui sont pour par raisonnement, les concertatifs : ils sont vaillants, prêts à prendre des responsabilités, à challenger les orientations prises et à apporter des idées nouvelles ;
  • et enfin les hésitants, qui sont une cible de conviction potentielle et accessible pour les pour comme pour les contre.

Or ces catégories traversent les silos : parmi les 200 principaux dirigeants de grand groupe, on ne trouvera sans doute aucun opposant mais sûrement autant d’alignés que de concertatifs ou d’hésitants.

Analyse théorique, direz-vous ?

Pas sûr, quand on entend le président d’Accor évoquer la transformation de son entreprise en ces termes : « Face au changement en cours, qui place le client au centre, et nous emmène dans l’industrie de la recommandation, un tiers de nos collaborateurs le comprennent, le partagent et sont capables d’y participer, un autre tiers le comprend, le partage mais a besoin d’être formé, et un autre tiers le refuse et ne le comprend pas. »*

Pas sûr, quand on lit sur les réseaux sociaux toute une littérature qui défend les « corporate hackers » en dissertant de la couleur de leur chapeau – blanche pour les « gentils », noire pour les « méchants » –, les « changemakers », les « éclaireurs » ou les « engagés »… Bref, toute une série de vocables plus branchés qui reviennent à l’antique catégorie des concertatifs.

Avec ce biais, on a souvent l’impression que ces gens sont prêts à « tout renverser » par conviction, par caractère ou par l’arrimage à un leader éclairé.

Mon hypothèse est plutôt qu’on doit les identifier par des études plus subtiles que les sévères baromètres internes et les révéler en multipliant les projets susceptibles de déclencher leur soutien.

Et que la nouvelle communication interne doit y contribuer en définissant ces projets ; en les dotant d’une promesse attractive ; en organisant, le plus souvent sur la base du volontariat, leur recrutement ; en les écoutant et en les animant (ou en contribuant à…) ; en définissant des principes de gamification adaptés et attrayants pour maintenir leur intérêt ; et enfin en les embasant progressivement jusqu’à les constituer en supracommunauté qui fera l’objet d’une communication attentive.

 

En d’autres termes, les concertatifs sont L’AUDIENCE recherchée, d’autant plus qu’ils sont les plus aptes à évangéliser les hésitants.

Doit-on laisser tomber les autres ? Sans doute pas. Mais chacun doit faire l’objet d’un discours et de locuteurs singuliers.

Doit-on parler à tous ? Non, si l’on veut les rassembler (n’est-ce pas, d’ailleurs, la véritable racine du bullshit corporate ?!) ; oui, si l’on accepte que ce discours général valorise ceux qui s’engagent dans la transformation.

 

1 Pour aller plus loin sur cette typologie : L’élan sociodynamique, J-Ch. Fauvet

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