Permettre aux collaborateurs de soutenir le projet commun de l’entreprise et d’accroître leur engagement, c’est aussi la mission de la communication interne.

L’engagement a mauvaise presse. Souvent apparenté au militantisme et à l’armée, il est fréquemment associé à une posture de soumission. Alors que l’entreprise valorise la créativité et l’autonomie, l’engagement n’est-il pas devenu anachronique ? Et pourtant, bien défini, associé davantage à la libre disposition qu’à la soumission, ce concept est fertile, notamment pour la communication interne.

La littérature sur les RH et la communication interne tend parfois à confondre bien-être, bonheur, satisfaction, motivation, implication et engagement. Si l’on s’en tient à la définition de l’Association nationale des DRH (ANDRH), l’engagement revêt pourtant un sens particulier. Il s’agit de « l’ensemble des actions d’un salarié qui vont au-delà de la contribution demandée par le contrat de travail, qui renforce le sentiment de contribuer à un projet commun, dans le respect des valeurs de l’entreprise. »

Toutes les dimensions de l’individualité mobilisées

En d’autres termes, le salarié engagé fait davantage que son strict travail et le fait pour l’entreprise, en mobilisant un sentiment. Ce dernier point est essentiel. La plupart des auteurs insistent sur le fait que l’engagement est le seul état où le collaborateur mobilise toutes les dimensions de son individualité : spirituelle, émotionnelle, intellectuelle et physique. Et de surcroît, toutes les dimensions de ses préférences relatives à l’emploi, la consommation et la citoyenneté. C’est en cela qu’il diffère de la satisfaction et de la motivation.

Et cet engagement résulte nécessairement du libre arbitre des salariés. Ils sont en effet de plus en plus nombreux à partager la même liberté que le consommateur et à se comporter, comme lui, en « égo-altruistes », selon l’expression de l’ancien DRH et consultant Bernard Coulaty : leurs choix sont volontaires et réversibles, et quand ils s’engagent, c’est autant pour eux-mêmes que pour l’entreprise et, au-delà, la Cité.

Une dimension holistique de la relation à l’entreprise

Cette liberté accrue et la dimension holistique de la relation à l’entreprise (c’est-à-dire la prise en compte de tous les aspects de la personnalité et des préférences) sont désormais partagées par de nombreux auteurs. Deux exemples : on accorde aujourd’hui plus de poids à la motivation intrinsèque– l’action est conduite uniquement par l’intérêt et le plaisir que l’individu trouve à l’action, sans attente de récompense externe – qu’à la motivation extrinsèque – l’action est provoquée par une circonstance extérieure à l’individu (punition, récompense, pression sociale, obtention de l’approbation d’une personne tierce…). De même, des trois formes classiques de l’engagement – affectif (identification et attachement émotionnel à l’entreprise), de continuité (appartenance venant de la peur ou des coûts excessifs d’un retrait), normatif (la loyauté dérivant d’un sentiment d’obligation morale) — c’est la première qui s’installe de loin comme la plus importante.

Un état préexistant à l’intervention de l’entreprise

Cet état existe, même sans intervention planifiée de l’entreprise. Tout le monde a rencontré des « engagés », des personnes qui agissent comme si l’entreprise était la « leur ». Ils sont en consonance cognitive (« ma spiritualité s’accorde avec la raison d’être de l’entreprise ») ; ont envie de partager ses valeurs et de s’appuyer sur elles pour se connecter avec leurs pairs ou leurs subordonnés et les faire grandir (émotion), trouvent le projet clair et cohérent (intellectuel) et déploient une « pêche d’enfer » (physique). Doit-on les condamner ? Sûrement pas, dès lors que cet engagement leur profite dans la durée et qu’il ne perturbe pas leur intégrité. Le surengagement s’apparente en effet à de l’addiction au travail et peut déboucher sur un burn-out. Mais il existe heureusement un « bon » engagement : le consultant Jagdish Parikh parle de « detached involvement », lorsqu’un individu apporte son soutien à l’entreprise sans que cela se fasse au détriment des autres activités sociales, notamment familiales.

Donc, sous cette réserve (essentielle), on ne doit pas regretter qu’il y ait des engagés… Doit-on pour autant faire en sorte qu’ils soient plus nombreux ? Sans doute, car l’entreprise a besoin de « porte-drapeaux » pour étayer la transformation et dialoguer, parfois se disputer, avec ses parties prenantes ou l’opinion (c’est le sens de l’advocacy).

Rendre les collaborateurs « copropriétaires du commun »

Le rôle principal de la communication interne est de susciter cette exemplarité en rendant les collaborateurs qui le souhaitent « copropriétaires du commun » – « purpose », valeurs, projet opérationnel – et en leur donnant les moyens de le co-élaborer, de l’actualiser, de le partager et d’inventer ou de participer à des expériences qui le nourrissent.

En tout cas, c’est la zone où elle paraît le plus légitime. Elle est en effet en concurrence avec les autres collaborateurs, les chief happiness officers (CHO) et les managers de proximité pour satisfaire, avec les DRH et le management pour motiver, mais elle ne trouve sur sa route que les dirigeants, et notamment le premier d’entre eux, pour engager. Cela vient d’ailleurs de sa mission initiale : organiser le dialogue et l’action entre l’entreprise et ses collaborateurs. Alors, comment faire ? Il ne s’agit pas de vouloir le même niveau d’engagement pour tous mais de construire son programme autour de ce que nous appelons le « tunnel de l’engagement ». L’engagement doit être flexible.

Ce tunnel devrait pouvoir orienter les programmes de communication interne en gardant à l’esprit des principes transversaux : l’intelligence collective, l’ouverture vers la société et les autres parties prenantes et, enfin, l’originalité, pour espérer gagner la bataille de l’attention. La communication interne retrouvera ses lettres de noblesse (l’attrition actuelle des budgets le rend nécessaire) si elle trouve une intention forte. Peut-être, en effet, ne paraît-elle pas assez utile aux dirigeants parce que sa mission est trop vaste : développer « l’échange de sens », « la qualité des relations internes », « le développement de la coopération »… Un autre choix serait d’assumer sa dimension instrumentale : la communication interne, coordonnée avec la communication externe et les RH, doit permettre à la majorité des collaborateurs de soutenir le commun de l’entreprise, d’autant plus facilement qu’ils l’auront co-construit