Longtemps coutumiers d’une communication strictement encadrée, voire aseptisée, les dirigeants prennent désormais le parti d’incarner davantage leurs prises de parole sur les réseaux sociaux, quitte même, parfois, à prendre part au débat, selon une étude menée par l’agence de conseil en communication Angie

« Vivons heureux, vivons cachés » fut, pendant longtemps, la maxime favorite des dirigeants sur les réseaux sociaux . Peu enclins à se montrer et à prendre position sans l’imprimatur d’une kyrielle de conseillers ou jouant, parfois, le rôle de simple courroie de transmission de la communication institutionnelle, les présidents et autres directeurs généraux n’hésitent plus à prendre la parole sur les réseaux sociaux pour défendre – et expliquer-, en personne, leurs positions. C’est du moins l’un des enseignements de la cinquième édition de l’étude sur le « leadership digital » menée par l’agence de conseil en communication Angie qui a ciselé un classement de 100 dirigeants selon un « score » de leadership.

Une nouvelle mouture « innovante », par rapport aux précédentes, dans la mesure où celle-ci ne prend plus l’audience des dirigeants sur Twitter et LinkedIn en ligne de compte, mais se concentre davantage sur l’engagement engendré par les posts de ces derniers. « Le taux d’engagement des publications est le véritable marqueur du succès. En outre, nous avons voulu faire passer le message suivant aux leaders sur les réseaux : arrêtez de compter vos abonnés ! Le plus important est que le message soit vu et relayé », explique François Guillot, directeur général d’Angie Corporate.

La force du « je »

Une volonté de faire « passer le message » qui a pris un nouvel essor avec la crise sanitaire, mettant en exergue le désir de certains d’incarner et de jouer le jeu – et le « je » – des réseaux sociaux. Une incarnation qui se manifeste notamment à travers le format photo et vidéo. « Une dirigeante comme Ilham Kadri , CEO de Solvay (12e du classement avec un score de leadership de 56/100) va publier, une fois sur trois, un post accompagné de sa photo. Selon nos calculs, cette publication incarnée va réunir 80% d’engagement supplémentaire que les deux autres posts sans illustration », souligne François Guillot.

A l’instar de cette dernière, de nombreux dirigeants n’hésitent pas à « monter au front » pour défendre leur point de vue ou faire montre de pédagogie. Des messages souvent empreint d’une certaine humilité – « ce qui s’avère également relativement nouveau », appuie François Guillot – avec, en toile de fond, l’acceptation du fait que l’entreprise qu’ils représentent n’est ni omnisciente , ni parfaite . Sans oublier, cela va de soi, une maîtrise des us et coutumes des réseaux sociaux. Dans ce contexte global, le « tiercé gagnant » se révèle sans surprise majeure avec la domination de Michel-Edouard Leclerc (75/100), d’Alexandre Bompard (Carrefour, 74/100) et Patrick Pouyanné (Total, 74/100).

« Faire vivre sa communauté »

Mais les dirigeants n’hésitent plus, non plus, à monter en première ligne en cas de situation mettant « en péril » la réputation de leur entreprise et à apporter certains éclaircissements le cas échéant afin de ne pas laisser prospérer dans la nébuleuse internet ce qui constitue, à leurs yeux, des contre-vérités. Ainsi, Christophe Fanichet , PDG de SNCF Voyageurs (17e du classement avec un score de leadership de 49/100) n’a pas hésité à recadrer un chroniqueur des « Grandes Gueules » sur RMC qui expliquait – en avril 2021 -, pour justifier, son retard sur le plateau avoir eu maille à partir avec une contrôleuse SNCF l’ayant exhorté à remonter son masque pendant qu’il passait un coup de fil. « Même au téléphone et mécontent, le port du masque à bord de nos trains ne se négocie pas », avait vertement répliqué sur Twitter, le dirigeant juste au-dessus de la séquence vidéo geignarde du chroniqueur.

D’autres se livrent à de (trop) rares exercices de transparence, en temps de crise, vis-à-vis de leur communauté, comme Octave Klaba , patron de l’hébergeur OVH, qui après l’incendie d’un datacenter à Strasbourg « tenait au courant » sur Twitter, presque minute par minute, sa communauté de l’évolution de la situation. N’hésitant pas à partager moult détails résolument techniques dans ses tweets : « Suite à une erreur humaine durant la configuration du newtwork sur notre DC à VH (US-EST), nous avons un souci sur toute la backbone ».

On observe un nombre grandissant de postures « rafraichissantes » dans des prises de paroles souvent trop lisses, sans la moindre aspérité. « Les dirigeants comprennent de plus en plus ce que signifie être sur les réseaux sociaux. Accepter de débattre, et prendre quelques coups au passage, est une idée qui fait lentement mais sûrement son chemin », conclut François Guillot.

Article publié dans LesEchos.fr

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