• June 2020
  • Stanislas Haquet
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Depuis le début de la crise, on parle plus que jamais de résilience.

Auparavant davantage utilisée en physique et en psychologie qu’en économie, la résilience s’impose comme un concept de stratégie majeur dont un certain nombre d’entreprises se saisissent à juste titre. Petit tour d’horizon de trois idées clés qui leur donnent selon nous raison, bien loin des effets de mode et des buzzwords.

La résilience au cœur des stratégies

Idée 1. Les individus comme les entreprises vont devoir démontrer leur capacité à rebondir après le violent choc sanitaire, psychologique et économique que constitue la crise du COVID-19.

Cette crise constitue « un événement subit et brutal » (définition même du traumatisme) pour les entreprises et l’ensemble de leurs parties prenantes, au premier rang desquelles leurs salariés. Leur quotidien, notamment professionnel, s’est retrouvé profondément bouleversé en quelques jours. Et l’inquiétude sanitaire s’accompagne d’une forte inquiétude économique.

Faire preuve de résilience, c’est-à-dire résister à la crise du COVID-19, tenir le coup, faire preuve de sang-froid et d’endurance, rebondir, redémarrer : voilà les défis majeurs à relever tant pour les entreprises que pour leurs salariés.

Ces deux dimensions – collective et individuelle – sont intimement liées. Le rebond économique d’une entreprise sera notamment lié à sa capacité à remobiliser ses collaborateurs (pas de rebond possible sans engagement) quand, dans le même temps, la faculté des individus à se remobiliser dépendra aussi de la manière dont leur entreprise a fait face à la crise, dont elle aura su faire preuve ou non de solidarité, conserver ses rituels et donner envie de (continuer à) la défendre.

Idée 2. La plupart des entreprises seront certainement transformées par l’épreuve du COVID-19. Mais seules quelques-unes d’entre elles en sortiront renforcées.

En 2006, Stephen Lepore et Tracey Revenson ont publié une étude de référence identifiant trois dimensions ou formes distinctes de résilience : la résistance, la récupération et la reconfiguration. Dans le cas de la résistance, aucun changement n’est observé, même pendant la crise. La récupération induit quant à elle une adaptation momentanée… avant un retour à la normale.

On peut certes envisager que la crise du COVID-19 entraîne certaines modifications à long terme dans les entreprises et que l’on ne travaillera, managera ou consommera pas tout à fait de la même manière demain. Elles devront donc reconfigurer leurs cognitions, croyances et comportements, sans pour autant d’ailleurs imaginer un « reset » intégral puisque, pour reprendre les termes de la philosophe Marylin Maeso : « Aussi étrange que cela puisse paraître, il faut peut-être savoir renoncer au rêve du Changement pour pouvoir faire une différence. »1

C’est à ce prix qu’elles pourront faire partie de cette minorité (9 % des entreprises selon une étude menée par deux professeurs de Harvard 2) qui sort renforcée d’une importante crise économique comme celle que nous sommes en train de traverser.

Celles qui y parviendront auront pu au final démontrer la solidité de leur modèle économique et une capacité d’ajustement face au danger. Elles auront également pu s’appuyer, si l’on s’en réfère là encore au concept de résilience tel qu’il est employé en psychologie, sur leurs communs :

  • une raison d’être forte qu’elles auront utilisée comme une boussole pour donner du sens et de la cohérence à leurs actions, se tourner vers une vision malgré tout positive du futur et encourager la matérialisation de certains projets utiles à la reprise ;
  • une stratégie installée, prenant bien en compte le long terme et la RSE et ainsi à même de rassurer les analystes et les marchés3, et, dans le même temps, une forte capacité d’adaptation stratégique à court terme4;
  • une culture ancrée qui aura guidé les comportements dans la crise, permis à la communauté des collaborateurs de préserver ses liens, de favoriser une communication claire et « ouverte », de coopérer et de se comporter comme une « famille » (« La culture agit donc comme un catalyseur pour permettre à ses membres de se remettre des traumas qui mettent en danger la survie du groupe », Boris Cyrulnik, ‎Gérard Jorland, 2012).

Idée 3. Les enseignements que certaines auront su tirer de la crise leur permettront aussi, à l’avenir, de se montrer moins vulnérables

Les études menées sur la résilience démontrent que la réaction d’un individu au stress se déroule en trois étapes. Après la réponse immédiate (que se passe-t-il ?) vient la réponse retardée (comment faire face ?). Puis la réponse adaptative (on ne m’y reprendra plus), qui se traduit par la mémorisation de l’événement vécu, de sa parade ainsi que du résultat obtenu.

Pour les entreprises, il s’agit désormais de préparer cette réponse adaptative. Savoir tirer les enseignements de la crise leur permettra non seulement de savoir se reconfigurer de manière positive (voir idée 2) mais aussi de renforcer leur capacité à faire face à un monde de plus en plus volatil, incertain, ambigu et complexe… et à affronter demain de nouvelles crises. C’est aussi l’enjeu des prochaines semaines.

Elles devront également comprendre que leur propre résilience est indissociable de celle de leur écosystème et renforcer leur contribution à un modèle plus vertueux, c’est-à-dire protégeant leur environnement, la société et donc indirectement les protégeant elles-mêmes de possibles crises futures, qu’elles soient alimentaires, climatiques, sociales ou économiques.

C’est l’un des lectures que l’on peut faire des appels à la création de modèles économiques et sociaux plus résilients (comme Emmanuel Faber devant le Sénat ou Jean-Pierre Clamadieu sur LinkedIn5. Nous sommes là encore au cœur du concept de résilience.

Un concept bien plus riche, donc, par exemple, que celui du « monde d’après », qui sonne, s’il n’est pas directement relié à des considérations économiques, bien davantage comme une vaine incantation.

Un concept qui devra aussi se traduire par la mise en place de démarches structurées permettant de s’appuyer sur la force du récit, de laisser à chacun la possibilité de s’exprimer, et de tirer collectivement les enseignements de la crise. C’est tout l’esprit du Parcours#Resilience que nous proposons à nos clients.

(1) Voir son interview dans Marianne : « C’est souvent en faisant le deuil du Grand Soir qu’on se donne les moyens d’agir concrètement ».
(2) Cette étude menée par Ranjay Gulati, Nitin Nohria et Franz Wohlgezogen sur un panel de 4 700 entreprises lors des crises de 1980, 1990 et 2000 aux États-Unis démontre que 17 % des entreprises n’y avaient pas survécu et qu’à l’inverse seules 9 % avaient prospéré après une période de ralentissement, performant davantage qu’auparavant sur les principaux paramètres financiers et surpassant ainsi les concurrents de leur secteur.
(3) Voir à ce sujet l’article publié par Ernst and Young le 30 avril sur les 5 façons de résister à la crise.
(4) Voir l’article de Novethic « Face à la crise du Covid-19, les stratégies des entreprises les plus responsables et durables sont payantes ».
(5) « Durant ces dernières semaines, les acteurs économiques ont démontré une capacité de mobilisation exceptionnelle pour assurer leurs missions d’intérêt général, mais également leur capacité à créer, à inventer, à proposer, à innover. Cette force est au service des décideurs, publics et privés, pour contribuer à dessiner et construire ensemble un avenir beaucoup plus résilient. »