• October 2016
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Consommer des contenus prend du temps. Estimer celui nécessaire au visionnage d’une vidéo est aisé, il suffit de regarder la timeline du player. Pour évaluer le temps de lecture d’un article, il faut savoir qu’un adulte absorbe en moyenne 250 à 275 mots/minute, qu’un article de taille courante en compte 500 à 750 et requiert donc 2 à 3 minutes de concentration. Enfin, la plateforme Medium estime que le visionnage d’une photographie coûte 12 secondes.

Contenus et quantum d’attention

D’ailleurs Medium, de même que d’autres médias comme Vanity Fair ou L’Equipe pour sa partie abonnés, accompagnent les articles qu’ils publient d’une estimation du temps nécessaire à leur lecture. Une sorte de simulacre digital de l’exercice de feuilletage préliminaire qui permet au lecteur d’un magazine de ne pas s’attaquer au dossier central de 10 pages sans avoir une bonne demi-heure de tranquillité devant lui.

L’incomplétude du lapin blanc

Flécher les contenus en fonction de la quantité d’attention qu’ils vont mobiliser est évidemment un avatar de la bataille des contenus qui se joue sur le web. C’est une manière de réduire le décrochage grandissant entre le temps (rare et structurellement limité) dont disposent les internautes pour consommer l’information, et le temps nécessaire pour absorber celle (abondante et en explosion géométrique) qu’on leur propose.

Avec 5 heures de vidéo uploadées chaque minute sur YouTube, les internautes sont forcément condamnés à ne jamais être à jour de l’immense quantité de contenus disponibles. Ils sont comme, le fameux Lapin d’Alice, perpétuellement « En retard ! En retard ! » et sans aucun espoir de revenir dans la course. Ce qui inscrit le rapport au contenu dans un sentiment de dépassement constant, d’incomplétude et même de stress qu’il faut nécessairement intégrer à toute stratégie de prise de parole digitale, selon 5 grands modèles, qui sont aussi 5 manières de s’adresser à notre Lapin Blanc et pressé.

  • Partant du principe qu’il est impossible que l’animal rattrape son retard, on peut tout d’abord l’aider à mieux le gérer. Par exemple, comme on l’indiquait plus tôt en outant les temps de lecture, qui fournissent une clé utile pour arbitrer ses choix de consultation de contenu et les calibrer en fonction du temps dont il dispose réellement.
  • Concasser, fractionner, réduire les formats pour que le Lapin en absorbe davantage. C’est la tendance de l’hyper-court, du snackable : une phrase, une image, quelques secondes de vidéo.
  • Faire oublier au Lapin qu’il est en retard, en lui proposant des contenus d’excellence, délivrant un effet « wouaouh ». Tout cela repose sur le pari qu’il existe un seuil d’exceptionnalité d’expérience au-delà duquel l’internaute acceptera de rester de longues minutes sur une page, indépendamment du temps dont il dispose. On parle par exemple de 12 minutes de temps de lecture moyen sur le fameux Snowfall du New York Times.
  • Faire défiler devant ses yeux fébriles des contenus tout aussi pressés qu’il l’est lui-même. Par exemple, les contenus éphémères, à durée de vie limitée qu’y s’échangent sur Snapchat. Dans cette logique de flux absolu où tout le contenu disparaît en quelques secondes ou quelques heures (pour les stories), l’incomplétude et le stress qu’elle provoque n’ont pas plus lieu d’être: ce que je n’ai pas pu voir… n’existe déjà plus. Et tout ce qui existe se résume à ce que j’ai vu, et donc à mon temps d’attention disponible.
  • Se faire à l’idée que définitivement notre Lapin est trop pressé pour lire et recourir plus systématiquement encore à la vidéo, mais peut-être surtout à l’audio, en complément ou en substitution du média rédactionnel. Ecouter un texte lu ne nécessite pas une concentration exclusive : on peut travailler, conduire, courir en consommant un podcast. Et une application comme Pocket casts pourrait allègrement tirer son épingle du jeu de la bataille de l’attention.

PS : cher Lapin Blanc, ce billet fait 614 mots, merci pour les 2min28 que tu m’as accordées