• February 2016
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De nombreuses études mettent en avant l’importance, dans les leviers d’engagement au travail, de la reconnaissance. Ainsi, parmi les 12 questions qui forment le socle de l’étude de référence Gallup, plusieurs abordent ce point. Il est par exemple demandé aux salariés qui y participent s’ils ont l’impression que l’on se soucie de leur travail. Ou encore si, au cours des 7 derniers jours, ils ont reçu une marque de reconnaissance pour ce qu’ils ont accompli.

 

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Ces marques de reconnaissance peuvent prendre de multiples formes et notamment se matérialiser par des récompenses financières attribuées de manière récurrente ou exceptionnelle. Mais elles peuvent aussi prendre la forme d’une expression de gratitude (reconnaissance d’un bienfait, d’un service rendu.) Bref, d’un simple « Bravo et merci ».

L’impact non négligeable de ces deux mots de cinq lettres n’a rien de très mystérieux.

  • Il peut s’expliquer d’un point de vue scientifique. Etre félicité pour son action génère dans le cerveau une substance chimique bien connue, la dopamine, source d’émotions telles que le plaisir, la satisfaction et le bien-être. Cette substance, nécessaire à la régulation du système nerveux et fortement addictive (elle peut être aussi générée par la consommation de certaines drogues), conditionne donc en réalité beaucoup de nos actions.
  • Il peut s’expliquer également par la psychologie positive. Etre félicité pour la qualité de son travail renforce le sentiment de compétence et nourrit le besoin de proximité sociale ; deux des piliers de la motivation intrinsèque.

Et pourtant… rares semblent être les entreprises qui mettent la gratitude au cœur de leur système de valeurs.

Certains mécanismes de communication peuvent pourtant être imaginés pour inciter les collaborateurs d’une entreprise, managers ou non, à se congratuler, à s’encourager et ainsi à exprimer leur gratitude envers leurs collègues. Telefonica en Grande-Bretagne, notamment, a mis en place une plateforme contributive permettant aux collaborateurs de distinguer l’un de leurs pairs en le remerciant publiquement d’avoir un comportement exemplaire ou une initiative en tous points conforme à la culture d’entreprise.

Néanmoins, ce type de pratique peut paraître, vu notamment au travers de notre prisme français, quelque peu artificiel. La désignation et la valorisation de l’employé du mois chez McDonald’s, dont on pourrait considérer que l’initiative Telefonica constitue une version évoluée, moderne et surtout horizontale (le merci ne venant pas ici du manager mais d’un collaborateur), n’ont jamais rencontré beaucoup de succès d’estime dans l’Hexagone.

Installer une véritable culture de la gratitude demande certainement, en parallèle, un travail de fond plus important. Le mot gratitude semble provenir des deux mots latins gratia et gratus, qui signifient pour l’un faveur et pour l’autre agréable. Tous les mots dérivant de ces racines latines renvoient aux notions de gentillesse, de générosité, de don, à la beauté de recevoir et d’offrir, ou encore de recevoir quelque chose sans rien en retour. Exprimer sincèrement de la gratitude nécessite donc de s’ouvrir aux autres, de faire preuve d’empathie (capacité à se mettre à la place d’autrui, à percevoir ce qu’il ressent) et surtout de ne pas voir l’entreprise comme un lieu de compétition entre salariés où, pour monter les échelons de la hiérarchie, il faut savoir triompher de ses collègues.

Il est à ce sujet intéressant de remarquer que Frédéric Laloux insiste particulièrement sur la gratitude dans son livre Reinventing Organizations, qui pointe les points communs des « entreprises libérées » (même s’il ne les appelle pas comme cela). Selon lui, elle constitue un des fondements culturels de nombreuses de ces entreprises et se matérialise au travers de nombreux rituels qu’il a pu observer.

  • Chez Ozvision, entreprise japonaise de la nouvelle économie, cela se traduit par le « day of thanking ». Chaque employé qui le souhaite se voit attribuer une fois par an un jour off et la somme de 200 dollars pour remercier un collègue ou toute autre personne de son entourage de l’avoir aidé dans sa carrière ou sa vie personnelle. La seule contrainte : raconter ensuite au reste de l’entreprise son action (qui il a choisi de remercier, pourquoi, comment la somme de 200 dollars a-t-elle été dépensée, quelle a été la réaction de la personne remerciée…).
  • Chez Favi, pendant de nombreuses années, les réunions démarraient par un tour de table où chacun était amené à raconter une expérience ou anecdote récente durant laquelle il avait eu l’occasion de remercier un de ses collègues, partenaires ou fournisseurs.

 

La gratitude, dans ces entreprises où l’absence d’ego, la confiance et la solidarité sont les maîtres mots, est donc centrale. A méditer, certainement, par ceux qui souhaiteraient s’inspirer en tout ou partie des entreprises libérées… comme par tous les autres.