S’il est une notion qui semble peu à peu s’imposer dans le discours des grandes entreprises, voire des politiques, c’est bien la notion de droit à l’erreur.

Ce droit à l’erreur paraît en effet indispensable dans un monde complexe qui promeut à juste titre plus que jamais la prise d’initiative, voire la prise de risque. Ne pas donner le droit à l’erreur, c’est encourager un statu quo particulièrement dangereux dans un monde qui se transforme à grande vitesse et qui donne souvent raison aux stratégies d’innovation ou même de rupture.

 

Valoriser l'echec

Tout cela est bien beau mais, dans la réalité, ce n’est pas si simple. Le droit à l’erreur reste trop souvent un discours d’intention. Peu d’entreprises en font un élément réellement constitutif de leur culture, et la communication (interne en l’occurrence) me semble au moins en partie responsable de cette situation.

La manière obsessionnelle dont elle met continuellement en avant des success stories idéalisées en est l’expression la plus flagrante. Les supports de communication interne sont en effet remplis de ces « belles histoires » où des salariés prennent un risque et voient leur initiative couronnée de succès. Ils sont alors érigés en exemples à reproduire pas tant pour leur attitude (ils ont osé agir différemment) que pour leur réussite (cela s’est passé exactement comme on pouvait l’espérer). Au final, la solution qui leur a permis de réussir devient une référence, une recette à reproduire.

Cette survalorisation de success stories, au-delà même de son absence de crédibilité, pose en réalité de nombreux problèmes :

  1. Elle nie le fait que la prise de risque inhérente à toute prise d’initiative osée par définition ne peut se solder systématiquement par un succès. Oser, c’est aussi courir le risque de l’échec. Mais l’échec, si on en tire des enseignements, peut être également précieux.
  2. Elle n’encourage à la prise de risque et à l’expérimentation que les plus audacieux, qui se disent qu’ils n’ont pas grand-chose à perdre et qu’ils se remettront de l’échec, soit parce qu’ils se sentent en position de force au sein de l’organisation, soit parce qu’ils se sentent suffisamment employables pour rebondir ailleurs… « Au pire, je me ferai virer ».
  3. Elle occulte le fait que, dans un monde de plus en plus complexe, on doit souvent expérimenter et échouer plusieurs fois avant de réussir. Combien d’entrepreneurs pourraient en témoigner ?
  4. Elle incite à reproduire des recettes (la success story se transformant souvent en best practice)… jusqu’au jour où ces recettes se révèlent inopérantes.
  5. Elle oublie que l’on apprend souvent davantage de ses propres échecs, voire du débriefing de l’échec des autres, que des réussites. Parce que l’analyse de la réussite est souvent biaisée par les résultats et n’incite pas à porter un regard lucide sur les points positifs et les points négatifs. Parce que, comme de nombreuses études l’ont montré, « les centres cognitifs sont plus fortement activés par la rétroaction négative et beaucoup moins par des commentaires positifs » . Les retours d’expérience (ou REX) d’échecs ou même de semi-réussites sont souvent uniquement partagés au sein des équipes concernées.

Bref, la survalorisation de la réussite en communication interne va à l’encontre même de la notion de droit à l’erreur.

Il serait donc grand temps d’oser mettre en avant ceux qui ont eu le courage d’échouer, les pousser aussi à venir raconter leur expérience au plus grand nombre, les valoriser et les remercier quand ils ont la capacité d’en tirer les enseignements. En la matière, la communication interne pourrait s’avérer exemplaire et participer grandement à la création d’une véritable culture du droit à l’erreur et de la prise de risque, ou tout du moins de la prise d’initiative.

 

Sources :

http://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-133065-pourquoi-faut-il-instaurer-un-droit-a-lerreur-dans-les-entreprises-1118859.php?0WGUFXbs557Ytr57.99

http://www.sciencesetavenir.fr/archeo-paleo/20080930.OBS3372/apprendre-de-ses-erreurs.html

 

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