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Pourquoi l’IA ne comprend pas ce que vous lui demandez

  • Antoine Heftler
  • May 2025

Et si la plus grande faiblesse de l’IA — son incapacité à saisir le contexte — devenait une opportunité pour les équipes en charge de la communication de marques et d’entreprises ?

Cinquième chapitre de notre série sur la présence et l’autorité des marques à l’ère de l’IA Générative. À lire ici 👇

 

Un directeur de la communication reçoit une notification enthousiaste : son entreprise a été mentionnée par une IA comme acteur clé de la décarbonation industrielle. Il s’empresse de vérifier, ravi. Mais en y regardant de plus près, la citation est approximative. Elle mélange deux projets, attribue une technologie à un concurrent, et cite une source obsolète.

Ce qui ressemblait à une victoire de visibilité s’avère être un mirage algorithmique. Car l’IA ne valide pas, elle assemble. Et elle le fait avec les fragments de contexte qu’elle trouve — ou croit trouver. Sans garde-fou sémantique, sans ancrage narratif fort, l’entreprise devient un sujet flou dans un récit écrit par d’autres.

1. Une IA qui prédit plus qu’elle ne comprend

Pour comprendre ce malentendu, il faut repartir de la base : les IA génératives comme ChatGPT ne comprennent pas comme nous. Elles ne raisonnent pas, elles anticipent.

Leur fonctionnement repose sur une architecture dite “Transformer” (Vaswani et al., 2017). Concrètement ? L’IA calcule la suite la plus probable de mots à partir d’une requête donnée. Elle ne cherche pas la vérité. Elle cherche la continuité. « Ces modèles ne pensent pas, ils simulent », rappelle la linguiste Emily Bender (University of Washington), co-autrice de “Stochastic Parrots” (2021). Ils n’ont pas accès à la réalité, mais prédisent ce qu’un humain dirait dans un contexte donné. Cela crée une illusion de compréhension.

Plus grave : le contexte manipulé par les IA est une « illusion statistique ». Les modèles utilisent une fenêtre de quelques milliers de mots (8k à 128k tokens) pour reconstituer un «fil», mais ils ne retiennent ni les intentions, ni les enjeux, ni les signaux faibles.

Selon Bubeck et al. dans “Sparks of AGI” (2023), même GPT-4, pourtant plus avancé, reste incapable de maintenir une cohérence globale dans une longue discussion. Et Geoffrey Hinton (MIT Tech Review, 2023) le rappelle : ces modèles ne comprennent ni le monde, ni les conséquences de leurs réponses.

Les IA raisonnent en surface, sans structure narrative, sans cadre cognitif stable. Une faiblesse critique dès qu’on leur pose une question d’entreprise.

2. Quand le vrai problème vient de l’utilisateur

On pourrait croire que tout vient du modèle. Mais dans la majorité des cas, l’IA se débrouille avec ce qu’on lui donne. Et ce qu’on lui donne est souvent très pauvre. Des requêtes trop courtes, sans structure, sans cadre temporel, sans indication de point de vue : voilà le quotidien des LLM. D’après les données internes d’OpenAI (New York Times, 2024), 80% des requêtes font moins de 12 mots.

Imaginez un briefing stratégique en entreprise formulé en une ligne : c’est le niveau d’information que l’IA reçoit.

Ajoutons à cela l’absence de reformulation (un seul prompt, une seule tentative) et l’absence de structure logique (l’IA est interrogée comme un moteur de recherche), et vous obtenez un terrain d’expression déconnecté. Ce que l’on appelle souvent une « hallucination » n’est pas toujours un bug de l’IA : c’est un symptôme d’appauvrissement contextuel.

Pour les communicants, cela implique un déplacement de compétence : il ne s’agit plus seulement d’informer, mais de préparer l’IA à situer l’information. Cela passe par des scripts internes, des prompts-types, des corpus associés. Sans cette couche de méta-information, l’IA se réfère au corpus dominant. Et ce corpus dominant ne reflète pas nécessairement votre identité, vos expertises, ni votre positionnement.

3. GEO : redonner du contexte à l’IA pour redevenir visible

Une des dimensions les plus sensibles de ce contexte concerne la notion même de persona. Les IA conversationnelles ne s’adressent pas à une cible prédéfinie, mais adaptent leurs réponses à des signaux faibles : style, lexique, intentions perçues. Cela signifie qu’un même contenu peut être reconstitué différemment selon l’interaction, jusqu’à déformer le message initial.

Pour les marques, structurer un corpus clair et cohérent, capable de résister à cette fragmentation, devient un enjeu central; non pas chercher à référencer un contenu, mais le rendre compréhensible pour un modèle probabiliste.

C’est là le centre du cadre méthodologique que nous avons développé chez Angie

Pour les communicants, s’assurer que leur marque / entreprise soit visible aux “yeux” des IA implique un changement de posture :

  • Penser les contenus comme un corpus avant tout,
  • Travailler les liens sémantiques entre les pages, les formats, les expressions,
  • Multiplier les points de résonance entre les questions posées par les utilisateurs et les formulations internes de la marque,
  • Produire non pas plus, mais plus régulier, plus structurant, plus aligné.

Ce n’est pas un travail de masse. C’est un travail de cohérence.

C’est aussi une responsabilité nouvelle pour les directions communication : former les IA à leur langage de marque. À leur façon de dire les choses. À leurs cas d’usage. Demain, ce ne sont plus les internautes qui chercheront la marque. Ce sont les IA qui la recommanderont. Encore faut-il qu’elles aient quelque chose à quoi se raccrocher.

Cet article est le cinquième d’une série consacrée à la présence et autorité des marques à l’aune de l’IA dont voici les liens :

  • Ce que l’hypothèse Sapir-Whorf peut nous apprendre sur le langage des intelligences artificielles (lien)
  • Les communicants à l’épreuve des dérives narratives de l’IA (lien)
  • Repenser les personas à l’ère de l’Intelligence Artificielle Générative (lien)
  • Ce qui reste : la narration comme ADN de la communication (lien)