• June 2018
  • Virgile Jouanneau
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C’est un principe connu en management : pour progresser, il faut savoir désapprendre et oublier ce que l’on croit savoir.

Eh bien, c’est exactement ce qui se passe dans le domaine du social media management corporate en ce moment. Une grande partie de ce qui a structuré la façon de faire de la plupart des entreprises doit être, sinon oubliée, du moins questionnée – en tout cas, par ceux qui souhaitent franchir un cap en matière de maturité digitale.

Réseaux sociaux

Pourquoi cela ? Parce que nous sommes entrés dans la troisième phase de la maturité des entreprises sur les médias sociaux.

La phase 1, celle de la découverte

(il y a dix ans pour beaucoup, il y a deux ou trois ans pour certains), les premiers pas étaient guidés par la peur (de mal faire, de « ne pas maîtriser », de se mettre en risque, de perdre son job, etc.).

Les entreprises se rassuraient en achetant plus de veille que d’action, en mettant en place des circuits de validation bien carrés, en publiant des social media guidelines à l’attention des collaborateurs qui, sous des atours très sympathiques, communiquaient essentiellement leur peur (ne partagez pas d’information confidentielle, ne participez pas à des polémiques, ne commentez pas les informations financières, ne répondez pas aux journalistes, ne bafouez pas les droits d’auteur et d’image, ne passez pas votre temps professionnel sur les réseaux sociaux, ne… ne… ne…, pas… pas… pas…).

La phase 2, celle de l’appropriation

Les médias sociaux ont commencé à être vus comme des vecteurs d’opportunités.

Avec une approche très Twitter-centric (on parle ici de social media corporate), parce que Facebook était moins adapté, parce que LinkedIn était moins développé, parce que Twitter était le lieu des leaders d’opinion et que son exercice d’animation quotidienne est profondément structurant pour gérer l’actualité d’une entreprise, s’est développée une logique très programmatique. C’est sur ce mot qu’il faut insister. Les entreprises (et nous aussi, bien sûr) ont travaillé autour de calendriers éditoriaux adaptés aux réseaux sociaux, qui permettent de bien occuper le terrain, de voir venir, d’équilibrer la prise de parole entre les messages et les thématiques clés…

En parallèle, les codes de la culture digitale faisaient leur trou dans la pratiques des entreprises : tonalité moins institutionnelle, apparition des vignettes (avec plus ou moins de bonheur : ah, l’embarrassant photoquote du président…), exercices de live (hyper encadrés, du faux live, très souvent, en fait), usage des hashtags en mode un peu automatique (mais pourquoi donc choisir le #innovation quand on SAIT qu’on n’a aucune chance de remonter dessus ?).

Tout cela, nous l’avons fait, nous le faisons, les entreprises le font, nos clients aussi pour la plupart. Et c’est cela qu’il va falloir balayer pour franchir un nouveau cap.

Pour bien comprendre ce qui se joue, il est utile de convoquer ce que Jacques Perriault a appelé l’effet diligence. Effet diligence, parce que les premiers wagons des trains du Far West avaient la forme des diligences. Autrement dit, la technologie « nouvelle » prenait les atours de l’ancienne, ce qui la rendait acceptable dans un premier temps, avant qu’on se familiarise et qu’on l’accepte réellement en tant qu’innovation.

Et c’est typiquement ce qui se produit sur les médias sociaux. L’usage du social media par les entreprises a copié les codes de la communication classique. Des circuits de validation, des objets de communication pré-validés, des calendriers préétablis, une tonalité sans risque, mais souvent sans grande personnalité ou en tout cas singularité…

Vous avez compris l’idée : tout cela était très bien, et même parfaitement nécessaire. Mais si on veut entrer dans la troisième phase de maturité, il faut tout changer.

La troisième phase est celle de la culture.

Comprenez : les médias sociaux sont des vecteurs culturels, les entreprises intègrent cette culture dans leur manière de faire.

Dans la troisième phase, on n’est pas Twitter-centric et on a une vision singulière par territoire, qui peut s’affranchir des conseils classique (« Twitter, c’est le truc des influenceurs »). On définit un tone of voice qui fait la singularité de l’entreprise. On pratique le CRM d’influence (expression un peu chic, n’ayez jamais peur des néologismes), c’est-à-dire qu’on sort de la logique purement programmatique pour analyser et agir au-delà du calendrier rédactionnel (follow, follow back, mentions, usages des hashtags ciblés et des trending topics, réponses, tags) comme le ferait une « vraie » personne pour elle-même. On produit des contenus agiles inspirés des pratiques des médias en ligne (je n’ai pas dit : « on va faire du Brut », qui reste assez largement à ce stade un fantasme de réunion – on pense plutôt aux contenus de snacking : faciles et rapides à produire, faciles à consommer). On fait du vrai live. On rebondit sur l’actu. On travaille de très près avec les autres métiers, notamment les RP. On ne compte plus seulement les followers, mais on s’attache à analyser l’impact sur les parties prenantes.

Bref, on sort de la logique programmatique pour entrer dans la logique sociale, et on accepte que la marque corporate ne soit plus le seul vecteur (on pense ici bien sûr à l’employee advocacy et au leadership digital, à condition qu’ils soient bien pensés et accompagnés).

Je vous vois venir : ces idées ne sont pas nouvelles, me direz-vous. Tout ça, on en parlait déjà quand les réseaux sociaux ont explosé et qu’ils étaient encore nouveaux. C’est vrai. Mais le passage d’un état à un autre ne se fait pas du jour au lendemain. Et dans les faits, tout cela est plus facile à dire qu’à faire. La troisième phase est, comme son nom l’indique, culturelle, elle ne se décrète donc pas en un claquement de doigts ou en recrutant un CM super agile. L’organisation doit être prête à l’accepter, voire mieux, à la « vouloir ».

Il y a différentes manières d’y parvenir et l’émergence des social rooms à laquelle on assiste est l’une d’elles. Oui, faire travailler ensemble les corps de métier analyse/social/ contenu/voire RP, en direct, dans un lieu organisé pour cela, ça a du sens, et cela mène plus sûrement à la troisième phase de maturité que les bons vieux process des phases 1 et 2. Oui, la fluidité est le grand enjeu du social media corporate aujourd’hui.

Comme toute période de changement, cette nouvelle phase, ou, osons-le, nouvelle ère du social media et de l’influence, est excitante car infiniment plus proche de la nature profonde de la culture digitale. Elle va ringardiser ce que nous avons fait depuis 10 ans, et c’est tant mieux !

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