• June 2022
  • Eric Camel
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L’idée reçue

D’après une récente étude de l’Apec : fin 2020, 94 % des cadres jugeaient important d’exercer un « métier qui ait du sens ». Cette quête explique en grande partie le succès des raisons d’être et des missions d’entreprise. C’est le fameux Why, qui justifie l’existence de l’entreprise et l’intérêt d’y travailler.

Visuel tribune Outreach

C’est vrai, mais…

Le sens est d’une profondeur abyssale : ne demande-t-on pas aux entreprises de répondre à des questions hier résolues par le sens de l’histoire, ces grands narratifs qui peu ou prou liaient les gens… De surcroît, le mot est polysémique. Il désigne tout à la fois une manière de comprendre et de juger, une direction et l’expérience des sensations. Pire, des enquêtes récentes, et notamment celle de l’Observatoire Wellcom du sens, montrent que la notion de sens ne renvoie ni aux mêmes idées ni aux mêmes valeurs selon que l’on y attache des aspirations collectives, professionnelles ou personnelles.

Le plus simple est sans doute de substituer au sens la motivation

Ce qui motive a en effet par définition un sens. Et la plupart des experts sont à l’aise avec ce concept. Ils s’accordent pour dire que trois choses motivent les salariés comme les consommateurs, et constituent les « niveaux de sens » : les 3 C, pour Cas, Communauté, Cause. Le Cas (SON cas…), c’est ce que l’on fait de très égoïste pour soi (sa carrière, sa consommation) ; la Communauté constitue le plaisir d’être avec les autres, de partager, de s’amuser et de grandir ensemble (ses collègues, son forum de consommateurs, son club de fans…) ; la Cause représente l’œuvre plus grande que soi ou sa communauté à laquelle on souhaite participer (un projet d’entreprise, un impact positif, ou vraisemblablement les deux…).

Pour les audiences

On retrouve sans doute cette typologie sur les réseaux sociaux. On peut dire qu’Instagram (s’inspirer), YouTube (apprendre) et sans doute TikTok (s’amuser) sont les médias du Cas, Facebook est celui de la Communauté, et LinkedIn et Twitter sont ceux de la Cause, consensuelle ou polémique. Bien sûr, les usages ne se recoupent pas, parfois. Mais il apparaît certain que le sens se trouve dans cette combinaison d’égoïsme, de tribalisme et d’altruisme.

Pour l’annonceur

Dans sa communication, l’entreprise doit traiter toutes ses dimensions avec la même dignité.
Sans doute par pudeur, le Cas est minoré. Prenons l’exemple de la communication interne : rares sont les dispositifs qui s’adressent à la personne (de façon hyperpersonnalisée) afin de développer son potentiel dans ses deux dimensions fonctionnelle et émotionnelle : veille quasi personnalisée, microlearning à la demande, témoignages « profonds » (pas de simples verbatims !) qui évitent les risques et potentialisent les opportunités de chacun.

Concernant la Communauté, le sujet se traite plus aisément grâce à l’émergence des réseaux sociaux et à la permanence de moments de convivialité (même si la généralisation du télétravail et du flex peut remettre à l’ordre du jour la question). Tout juste peut-on regretter que le off et le on ne se complètent pas toujours assez et surtout que le community management se concentre sur les contenus et bien moins sur l’animation.
Reste la Cause. On y répond le plus souvent par la valorisation de la RSE, alors que le sujet est plus vaste : le sens vient de l’articulation entre cette dernière, le projet et les valeurs de l’entreprise ou de la marque. C’est l’alignement entre ses trois éléments qui disent « pourquoi » mais aussi « quoi » et « comment » qui crédibilise la direction, donc le sens.

 

« Donner du sens » selon Angie

Mettre les motivations avant le sens

Une bonne politique de contenus croise les différents « niveaux de sens » – Cas, Communauté, Cause – et sélectionne pour chacun d’entre eux les finalités qu’elle doit adresser pour satisfaire ses publics : m’updater, me tenir à la page, m’inspirer, me divertir, m’aider à prendre du recul, m’éduquer. On est loin d’une communication se résumant à une succession de news.

Se centrer sur la personne

Le sens est parfois très prosaïque : on s’occupe bien de moi. En marketing, c’est un grand classique, en communication corporate, beaucoup moins. Or les technologies permettent des avancées significatives : newsletters ou mails hyperpersonnalisés, contenus offrant plusieurs niveaux de profondeur choisis par chacun en fonction du temps ou de l’expertise dont il dispose, bibliothèques d’assets répondant sous les formes les plus variées à la diversité des attentes…

Ne pas confondre sens et RSE

Encore plus dans les entreprises post-RSE, dans lesquelles l’impact drive le cœur du modèle d’affaires, donner du sens au niveau le plus « haut » suppose unité et cohérence entre purpose ou raison d’être, valeurs et projet opérationnel. Récemment, de nombreuses entreprises les ont, dans un ordre parfois différent, successivement codéfinis avec les collaborateurs et les autres parties prenantes. La communication ne doit donc pas les traiter comme des chapitres séparés, mais comme un tout. C’est l’épreuve de leur confluence qui les constitue en Cause.

Sources :

Observatoire du sens, Wellcom et Viavoice, 2019
GWI, « What content works best on TikTok, Twitter, and Instagram in 2022 »