• February 2016
  • Stanislas Haquet
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Manager, éco-manager, leader, leader 2.0 voire leader 3.0, leader agile, servant leader, green leader, leader coach ou thought leader… N’en jetez plus ! Pas un mois ou tout du moins pas un trimestre ne passe sans que la « littérature » managériale ne mette en avant un nouveau paradigme de management ou désormais de leadership.

Leadership versus communityship

Au-delà de la dimension marketing, qui peut expliquer en partie ce phénomène, se cache la recherche de nouveaux modèles organisationnels et de nouvelles postures managériales plus adaptés à un monde en pleine transformation : structures de plus en plus horizontales, complexité grandissante de l’environnement technologique et juridique, nécessité de gagner en réactivité et en capacité d’innovation ou encore recherche de nouvelles formes d’engagement de salariés à la recherche de sens et d’autonomie.

Le premier mouvement structurant de pensée s’est effectué lors du passage de la notion de management (et donc de manager) à celle de leadership (et donc de leader). Alors que le manager tient son autorité de son statut et de sa position hiérarchique, le leader quant à lui tient son autorité de l’influence qu’il exerce et des relations qu’il noue avec tout ou partie d’une organisation. Idéalement, un manager se doit d’être aussi un leader, inspirant et visionnaire. L’inverse n’est pas toujours vrai ; un leader ne bénéficie pas forcément du statut de manager.

Et comme si ce switch ne suffisait pas, on a peu à peu cherché à renforcer la notion de leadership. D’où la profusion évoquée plus haut, dans laquelle il est difficile de se retrouver.

Ainsi, pour prendre un exemple particulièrement en vue, le leadership agile désigne, si l’on en croit Wikipédia, la capacité et l’agilité chez un leader à opérer selon les situations en utilisant différents modes de pensée et de leadership : leadership technique, leadership coopératif, leadership collaboratif, chacun de ces modes étant notamment défini par la manière de gérer la complexité et l’ambiguïté (voir à ce sujet un de mes précédents posts : Pourquoi faire simple quand on peut faire ambigu). Le leader agile doit par ailleurs en théorie posséder 9 attributs : tolérance à l’ambiguïté mais aussi curiosité, créativité, courage, conviction, résilience émotionnelle, pensée critique, vision et flexibilité. Rien de moins.

On voit se dessiner au travers de la notion de leadership agile une vision particulièrement exigeante du leadership. N’est-ce pas beaucoup demander à des leaders/managers ? Le leader agile peut apparaître en effet à la lecture de cette description comme un véritable superhéros et le leadership qu’il doit exercer comme un Graal quasiment impossible à atteindre.

Cette glorification du leader exemplaire, que l’on retrouve finalement aussi dans le leadership 2.0 ou 3.0, me paraît entrer en contradiction avec une autre vision qui s’impose peu à peu au sein d’autres organisations et courants de pensée et qui défend à l’inverse et à mon avis à juste titre l’idée d’une mise en retrait progressive de la notion même de leader. C’est le cas du servant leadership, dont l’objectif n’est pas de bien exercer le (super)pouvoir mais au contraire de le partager, de mettre les besoins des autres membres de l’organisation au cœur de ses priorités et de les aider à se développer et à devenir aussi performants que possible.

Toujours un héros donc, peut-être, mais un héros de l’ombre, humble et discret. Très loin paradoxalement des (top) leaders des entreprises libérées qui, à l’image de Jean-François Zobrist, de FAVI, apparaissent dans la presse spécialisée comme dans l’imaginaire collectif comme de vrais et purs héros.

Ce servant leadership peut sans doute être vu comme une étape essentielle vers un (dernier ?) mouvement plus inspirant encore, que Henry Mintzberg appelle depuis bientôt dix ans de ses vœux. Sans remettre totalement en cause l’idée même du leadership, il prône en effet justement un peu moins de leadership et plus de communityship. Selon lui, « notre obsession du leadership, de quelque nature qu’il soit, nous amène à construire des organisations qui dépendent totalement de l’initiative individuelle. Nous ne leur permettons pas de se comporter comme des communautés ».

Dans la vision du communityship, le ou les héros des entreprises ne sont plus un ou plusieurs individus mais bien un collectif. Bref, une tout autre histoire où, si l’on reprend la trame narrative classique des contes (schéma actanciel), les leaders ne seront plus des héros mais des adjuvants c’est-à-dire des personnages secondaires qui aident le héros à accomplir sa mission. À suivre, une fois de plus…

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