• February 2019
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Depuis quelques années, la nécessité d’adapter sa communication aux écrans mobiles ne fait plus débat, quand bien même le « mobile-first » encore couramment évoqué peut soulever des objections que nous avions déjà soulignées.

Plus récemment ont débarqué de nouveaux terminaux avec de nouvelles problématiques en matière d’expérience utilisateur : les « smart watches », avec leurs écrans très réduits.

Ecran

En 2018, c’est une nouvelle forme de terminal qui a rejoint le top 10 des listes de cadeaux envoyées au Père Noël, sans écran cette fois. Il s’agit des enceintes connectées, qui incarnent la nouvelle tendance consistant à se passer d’interface visuelle pour communiquer ses instructions par la voix, à l’aide d’un assistant suffisamment intelligent pour comprendre « allume la lumière au rez-de-chaussée » ou « lance-moi Beyoncé sur Spotify ». À noter que si elle commence seulement à être encouragée par Amazon et Google, la politesse (« s’il te plaît » « merci ») est totalement facultative voire contre-productive, au point que certains s’interrogent légitimement sur l’impact des assistants vocaux sur l’éducation de nos enfants, même si pour le coup cela a le mérite d’obliger nos enfants à articuler et à faire des phrases correctement construites. On aimerait en dire autant du langage SMS.

Le phénomène des « objets connectés intelligents sans écran » reste pour l’instant essentiellement cantonné aux enceintes, et le potentiel auprès du grand public est important dans la mesure où ces enceintes ont vocation à prendre le contrôle (avec votre consentement, bien sûr) des autres objets connectés domestiques : alarme, chauffage, four, réfrigérateur, éclairage, volets… On peut aussi imaginer dans un avenir assez proche de demander à Alexa, Siri ou Google Home de faire venir « patienter » son véhicule devant l’habitation, et de configurer les réglages de confort et d’ambiance selon les préférences de Madame ou Monsieur. Par ailleurs, une part croissante de montres connectées sont aussi sans écran et pilotables par la voix ou le téléphone, cela permettant de prolonger considérablement la durée de vie de la batterie.

En parallèle de ces évolutions technologiques finalement assez limitées (la reconnaissance vocale remonte aux années 1970 !), il faut surtout reconnaître un véritable boom dans la diffusion et la consommation des contenus vocaux :

  • l’essor des podcasts n’est plus à démontrer : voir à ce titre le beau projet olfaplay.com que nous avons réalisé avec Guerlain, une app mobile et une web app pour écouter et enregistrer des podcasts liés à des souvenirs olfactifs ;
  • des séries sont lancées sans images mais uniquement avec du son… pour la télévision : n’hésitez pas à demander à votre assistant vocal de vous lancer Calls sur Canal+ ;
  • des médias dédiés aux contenus et objets vocaux sont lancés, comme www.journaldelavoix.com ;

Pour autant, devons-nous en déduire que les écrans et, par extension, les interfaces sont voués à disparaître ?

Plusieurs faits importants ne doivent pas être occultés :

  • d’une part, le nombre d’écrans par foyer permettant de regarder de la vidéo était, fin 2017, de 5,5 (1,5 TV + 1,5 ordinateur + 1,9 mobile + 0,6 tablette, source : CSA – Observatoire de l’équipement audiovisuel des foyers de France métropolitaine), chiffre qui a très certainement augmenté en 2018 et qui ne tient pas compte des autres objets connectés dotés d’un écran ;
  • d’autre part, les assistants connectés comme les montres connectées nécessitent d’avoir un smartphone et une app pour configurer le terminal : c’est le téléphone qui va permettre de modifier ou stocker les préférences de l’utilisateur, consulter les informations statistiques, lancer les mises à jour, accéder à l’aide, etc.

Certes, les enceintes connectées sont des terminaux ludiques et simples à utiliser au quotidien, mais :

  • elles soulèvent de vraies questions en matière de protection des données personnelles : concrètement, vous êtes écouté.e et enregistré.e en permanence, sauf quand vous désactivez l’enceinte ;
  • elles ont avant tout vocation à comprendre des instructions simples, très fonctionnelles, en restituant les réponses en langage naturel, mais encore faut-il que quelque part sur internet ces réponses leur soient accessibles ;
  • elles ne sont pas indispensables pour bénéficier d’une solution capable de comprendre des instructions vocales et de prendre le contrôle sur votre environnement domestique : Siri, la solution Apple, a été lancée en 2011 et équipe 100 % des iPhone depui ; et le service Apple HomeKit, lancé tardivement, qui devrait prochainement rivaliser sérieusement avec Alexa et Google Home, ne nécessite pas que l’on se dote de l’enceinte connectée de la marque : HomePod.

De façon générale, il faut considérer les enceintes connectées comme une simple extension du terminal qui est en train de devenir une véritable télécommande universelle de notre vie : votre téléphone mobile.

C’est aussi et surtout un substitut pour celles et ceux qui veulent « décrocher » de leur mobile (et de son écran) quand ils sont dans leur foyer. Mais cela n’encouragera pas beaucoup d’utilisateurs à abandonner leur smartphone pour repasser à un Nokia 3360 avec son écran minimaliste monochrome (et qui ne vous permettra pas de configurer votre Google Home).

D’ailleurs, les chiffres montrent que si les enceintes connectées ont permis de populariser les assistants vocaux, leur usage se fait, à 44 %, depuis un smartphone, tandis que les « smart speakers » ne captent que 13 % des usages, selon une étude réalisée par Search Foresight et Mymedia.

Il est donc utopique de penser en 2019 que nous nous orientons vers une disparition progressive des écrans, et tant mieux pour notre activité ! En revanche, il est tout à fait plausible d’imaginer un futur avec (beaucoup) moins d’écrans. Le smartphone est en phase de devenir LE principal écran, voire le MÉTA-écran qui prendra le leadership sur les autres supports.

 

Les raisons d’y croire sont multiples :

  • les smartphones de dernière génération sont bien plus puissants et offrent de plus en plus un meilleur débit internet grâce à la 4G, surtout si vous habitez en province, et bientôt la 5G ;
  • ils peuvent s’interfacer avec leur environnement selon différents protocoles : wifi, Bluetooth, RFID, Li-fi… et leur système d’exploitation s’enrichit en permanence, tout comme l’écosystème des apps disponibles ;
  • ils offrent une expérience plus qualitative sur le plan de l’image (densité de pixels, fidélité des couleurs, réduction de lumière bleue la nuit, etc.) que la plupart des ordinateurs commercialisés il y a deux ans.

Bien sûr, les mobiles ont atteint une taille d’écran maximale sur les derniers modèles – au-delà, ça ne rentre plus dans la poche intérieure d’une veste, donc c’est une tablette… Et celle-ci n’est pas très confortable pour visionner un film d’une heure trente, seul ou, à plus forte raison, en famille ou entre amis. Mais il faut aussi tenir compte des évolutions récentes ou à venir du « petit écran » qui a bien grandi dans nos salons : le téléviseur.

Deux chiffres à retenir, provenant de l’étude du CSA, L’équipement audiovisuel des foyers au 1er semestre 2018 :

  • taux d’équipement de 94 % dans les foyers en France métropolitaine ;
  • 77 % des foyers disposent d’un téléviseur connecté à internet (smart TV, décodeur ou console de jeux).

L’interconnexion entre mobile et téléviseur ne semble pas prise en compte dans les études du CSA, et de fait les personnes qui « pilotent » leur téléviseur depuis leur mobile sont encore rares (elles doivent idéalement posséder à la fois une TV Samsung et un smartphone de la même marque, pour des questions d’interopérabilité). Mais nous pourrions imaginer de vrais bouleversements dans un avenir proche, en tenant compte des faits suivants :

Tous ces éléments nous amènent à penser que le smartphone de demain sera le principal – si ce n’est l’unique – terminal « intelligent » que chacun possédera et qu’il permettra de consulter les contenus, au choix, sur son écran, sur un autre écran plus grand (et dénué de toute intelligence) ou via un autre terminal sans écran mais avec synthèse vocale.

Pour revenir au présent, nous aimerions conclure en mentionnant le film interactif lancé par Netflix, Black Mirror: Bandersnatch, avec ses cinq fins alternatives (ou six ?) diffusées en tenant compte des choix du spectateur. L’interactivité est certes basique et uniquement possible sur smartphone, smart TV ou tablette, mais cette initiative a le mérite de marquer selon nous la fin de la télévision passive et le début d’une expérience « smart », indépendante de l’écran utilisé. Au-delà des technologies (parfois pas si nouvelles), ce sont surtout l’intelligence et la créativité des contenus qui comptent pour proposer des expériences utilisateur pertinentes et engageantes.

2019 ne marquera pas la fin des écrans, mais peut-être enfin l’ère de la convergence entre « le petit écran » des années 1960 et celui des années 2000. Et les stratégies de communication des marques doivent désormais intégrer cette composante dans leur expérience utilisateur… et pas uniquement dans leur stratégie média.